mardi 4 novembre 2025

Albert Camus au cinéma, version François Ozon, avec l'Etranger

 


Albert Camus publie « L’Etranger » en 1942, en pleine guerre mondiale. Il est arrivé en métropole depuis peu, ayant passé son enfance en Algérie. « L’Etranger » raconte (c’est lui le narrateur dans le roman) les derniers mois de sa vie de jeune homme, Meursault, à Alger, avant d’être guillotiné pour avoir assassiné un indigène, musulman, « arabe » dira-t-il.

Sans doute, Camus connaissait particulièrement bien cette colonie française. Mais je doute fort, qu’un jury composé de « blancs européens », entièrement masculin (les femmes n’ont pas encore le droit de vote), et plutôt âgé, ait envoyé à la guillotine, un des leurs pour l’assassinat d’un « arabe », dont on ne parlera guère au cours du procès, lequel importe peu aux yeux de la Cour. Mais puisque Camus l’a écrit… Admettons !

François Ozon l’a donc adapté au cinéma, en Noir et Blanc. Réussite parfaite à mon avis, quoique les critiques cinématographiques soient partagés sur la question. La séquence la plus forte, me semble être celle, où en prison, Meursault reçoit la visite de l’homme d’église (Swann Arlaud), que Meursault appelle « monsieur », visite dont il ne voulait pas. L’affrontement d’ordre philosophique qui en découle, est d’une très haute tenue littéraire, celle de Camus.

Une équipe d’acteurs et actrices au sommet : Benjamin Voisin, c’est Meursault, jeune homme énigmatique, froid, dépourvu de sentiments, que ce soit envers sa mère décédée ou celle qui veut faire sa vie avec lui. On a l’habitude dorénavant de le voir sur grand écran : « un vrai Bonhomme » en 2020, « Eté 85 » déjà de François Ozon toujours en 2020, « Illusions perdues » d’après le roman de Balzac en 2021, films où il incarne des personnages particulièrement forts, consistants, ceux qui crèvent l’écran.

Rebecca Marder est remarquable dans le rôle de Marie, celle qui drague Meursault à la piscine, qui s’interroge devant son copain dépourvu d’affection, en total manque de projets, mais qui s’accroche néanmoins à lui, celle qui ira le visiter en prison. Quant à Denis Lavant dans le rôle de Salamano, celui qui tabasse son chien, mais qui regrette sa fuite, il est tout simplement exceptionnel.

Un très bon film français, ça devient rare, adapté d’un roman qui a grandement contribué à l’obtention du Prix Nobel en 1957.

Ceci dit, on regrettera que l’image soit muette en ce qui concerne les dégâts du colonialisme ; on pourrait se croire dans un pays où le soleil, la mer, les plaisirs offraient un paradis aux européens français, au milieu d’une population indigène indifférente, presque absente du scénario, mis à part les figurants, si ce n’est la sœur de l’arabe, présente au procès, et qui se recueille, in fine, sur la tombe de son frère en bord de mer. Un peuple qui douze ans plus tard se soulèvera.

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